"Le groupe OGM de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estime que, comptes tenus des documents fournis par la France, il n'y a pas de preuves scientifiques spécifiques, en terme de risques pour la santé humaine et animale ou pour l'environnement, soutenant la notification de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde conformément à l'article 34 du règlement 1829/2003 et invalidant sa précédente évaluation des risques du maïs MON810". Telle est la conclusion de l'évaluation scientifique réalisée à la demande de la Commission européenne (1) suite à la notification de la mesure conservatoire prise par le gouvernement français en mars 2012.
Ce nouvel avis vise spécifiquement l'argumentaire scientifique fourni par la France (2) à la Commission le 20 février 2012 pour justifier l'interdiction de mise en culture du MON810 intervenue le mois suivant. Le 16 avril, la Commission a demandé au groupe OGM de l'EFSA d'évaluer le dossier français. L'avis de l'EFSA, adopté le 7 mai 2012, est rendu public le jour même où le Conseil d'Etat français a rejeté en référé une demande de suspension de l'arrêté du 16 mars qui interdit la culture du MON810. Le Conseil d'Etat doit encore se prononcer sur un recours au fond déposé par l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM). L'avis de l'EFSA influencera-t-il la haute juridiction ?
Rien de nouveau
L'absence d'éléments nouveaux est le premier point avancé par l'Agence pour justifier son avis. "Au cours de l'évaluation des documents présentés [par la France] le groupe OGM de l'EFSA a noté que certaines publications fournies en référence avaient déjà été présentées par la France en 2008 pour justifier la clause de sauvegarde et la mesure d'urgence relative au MON810", indique l'EFSA, ajoutant que "ces publications ont déjà était prises en compte par le groupe OGM de l'EFSA" dans le cadre de son évaluation scientifique des motivations de cette précédente clause de sauvegarde. Or, cette première évaluation a conclu à l'absence de risques sanitaires ou environnementaux justifiant l'interdiction française.
Par ailleurs, "le groupe OGM de l'EFSA n'a pas pu identifier de nouvelles preuves scientifiques [parmi les références post-2008 ne figurant pas dans le précédent dossier français] démontrant que la culture du MON810 dans l'Union européenne pose un risque important et imminent pour la santé humaine et animale ou pour l'environnement".
S'agissant de ces nouvelles études ultérieures à 2008 présentées par la France, l'Agence rappelle qu'elle les a déjà prises en compte dans son avis rendu le 11 avril 2012 et relatif à la surveillance environnementale consécutive à la mise sur le marché (3) en 2010 du maïs génétiquement modifié MON810. A cette occasion l'EFSA, avait indiqué n'avoir trouvé aucun effet indésirable sur la santé humaine et animale ou sur l'environnement.
Querelle d'experts
Néanmoins, l'avis de l'Agence ne répond pas directement à l'argumentaire français qui ne reposait pas sur la présentation de nouvelles études mais plutôt sur une lecture différente de certaines des études scientifiques utilisées par l'EFSA. En effet, la note envoyée demandait surtout que soit révisé l'avis de l'EFSA relatif au MON810. En clair, la France ambitionnait que l'EFSA invalide ses travaux précédents.
Parmi les principaux reproches formulés à l'encontre de l'EFSA figure la non application de ses nouvelles lignes directrices pour l'évaluation environnementale des OGM publiées en 2010. En effet, l'avis favorable au renouvellement de l'autorisation du MON810 rendu le 15 juin 2009 a été adopté sur la base de lignes directrices datant de 2006.
De même, un avis de l'Agence, concernant le maïs Bt11 et rendu le 8 décembre 2011 en application des nouvelles directives de 2010, "met en évidence des risques environnementaux liés à la culture du maïs Bt11, [que l'EFSA] qualifie d'identiques en cas de culture du maïs MON810", avance la France. Un argument qui plaide là aussi pour une révision du jugement porté jusqu'à maintenant par l'EFSA sur le MON810.
Place aux politiques
Pour Frédéric Vincent, le porte-parole du Commissaire européen à la Santé John Dalli, interrogé par l'AFP, l'avis de l'EFSA "n'est pas vraiment une surprise [et il] confirme ce dont nous nous doutions". En l'état, "la Commission réfléchit aux suites à donner à cet avis, mais, techniquement, [elle pourrait] demander à la France de lever son interdiction à la culture du Mon 810", a-t-il ajouté.
Cependant, le dossier est hautement politique et il semble peu probable que l'exécutif européen prenne une telle décision rapidement. Cela d'autant plus qu'une telle demande pourrait assombrir les relations entre Bruxelles et le nouveau gouvernement français auquel participent des représentants d'Europe Ecologie – Les Verts connus pour leur opposition aux OGM.
En l'occurrence, la Commission attend l'issue de la prochaine réunion des ministres de l'Environnement de l'UE le 11 juin et espère une issue positive sur ses propositions pour la mise en culture des OGM, un dossier bloqué depuis près de deux ans par la France et de nombreux autres Etats…